Moncef Al ouhaibi |
Mon père n’avait pas
l’habitude de mourir
Hier mon père est mort
J’essaye de lui ouvrir les
paupières
Peut-être arriverais-je à
soulever une lueur dedans
Mais les paupières étaient
crues comme une herbe,
humides, entremêlées de rosée ou de noir.
Depuis un an, je me
préparais à cette absence
Se mêlant comme de l’eau à
mon sommeil.
Je prépare les éloges
mortuaires qu’il faut
(les éloges de Habib Ibn
Aous, sa poésie épique,
leur entrée secrète, la
somnolence…
Les éloges mortuaires des
Hudheils,
la métrique
de Khalil ibn Ahmad …)
J’annote ses
habitudes : les appels téléphoniques
qui hantent la nuit de mon
frère sans cause apparente,
ou peut-être pour passer
le temps, ou par ennui.
Hier, en fin de nuit, le
téléphone sonne, personne ne décroche.
Peut-être se renseignait-il sur quelque
chose ?
Sur l’heure, sur le temps
qu’il fait, sur sa prothèse dentaire égarée…
Est-ce l’ultime signe de
vie
alors qu’il prenait congé
de la mort afin de l’éviter?
Ses effets sont comme
d’habitude:
Son pot d’huile sahélienne
du matin,
son café
sans sucre, comme le médecin l’a ordonné
(il cachait le sucre dans une boite
dissimulée)
le miel de montagne, le
yogourt naturel …
Quand il appuyait le
regard où il écoutait le bruit des pas de la voisine
marchant de ses
talons métalliques sur la pelouse,
ou quand elle l’appelait
par la clôture,
ses yeux se repliaient
autant un angle de papier dans un livre.
La mort n’était jamais l’une de ses habitudes,
ni faisait partie de ses occupations.
J’entreprends de lui faire
les éloges mortuaires, vainement.
Je n’ai trouvé dans les discours qui ont
précédé que des propos annoncent la mort des paroles.
-
Allo, qui est à l’autre
bout du fil?
-
Moi.
-
Toi?tu es revenu? comment?
-
Me suis-je absenté?
Alors père ! il
faudra que tu partes,
pour une fois et
laisser la lumière égratigner l’eau dans
le sommeil de ton enfant
Pour que je puisse te
voir en nature, occupant les branches de
ton ombre,
descendant pas à pas tes escaliers de pierre.
Accoutume-toi à ta mort pour que je puisse
dormir.
Poème de Moncef Al ouhaibi
Traduit par Abdelmajid Youcef
الترجمة رائعة سي عبد المجيد
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